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L’arrêt Dame Lamotte, une décision fondatrice du droit administratif français

Le 17 février 1950, le Conseil d’État a rendu un arrêt historique qui a consacré l’existence d’un principe général du droit permettant à tout citoyen de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative, même en l’absence de texte. Derrière cette formulation un peu technique se cache en réalité une garantie fondamentale pour les citoyens face au pouvoir de l’administration. En quoi cet arrêt Dame Lamotte a-t-il révolutionné le droit administratif français ?

Des concessions de terres annulées puis rétablies

Revenons d’abord sur les faits à l’origine de cette affaire. Dans les années 1940, des lois autorisaient les préfets à concéder des terrains agricoles abandonnés depuis plus de deux ans, pour permettre leur remise en culture. Sur ce fondement, le préfet de l’Ain avait successivement pris des arrêtés concédant des terres appartenant à la dame Lamotte.

Mais le Conseil d’État avait annulé ces décisions, estimant que les terrains n’étaient pas réellement à l’abandon. Malgré ces annulations, un nouvel arrêté fut pris en 1944 pour concéder à nouveau les mêmes terrains. C’est contre cette dernière décision que la dame Lamotte a formé un recours, à l’origine de l’arrêt fondateur.

Bon à savoir : Le recours pour excès de pouvoir est un recours en annulation permettant de demander au juge administratif de vérifier la légalité d’une décision administrative et, le cas échéant, de l’annuler.

La consécration d’un recours fondamental pour les citoyens

Le problème était qu’entretemps, une loi de 1943 était venue interdire tout recours contre les décisions de concession, pour contourner la résistance des juges. Pourtant, le Conseil d’État considéra que le recours pour excès de pouvoir restait possible, en vertu d’un principe général du droit permettant de contester toute décision administrative.

Même sans texte, ce recours visant à garantir le respect de la légalité devait demeurer ouvert pour les citoyens. L’arrêt Dame Lamotte consacrait ainsi solennellement l’existence de ce « recours pour excès de pouvoir » et son caractère fondamental dans l’État de droit.

Exemple : Un maire prend un arrêté interdisant la circulation dans certaines rues de sa commune. Un habitant estime que cette décision est illégale et forme un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif pour demander son annulation.

Un principe réaffirmé et consolidé depuis 1950

Depuis lors, ce principe dégagé par l’arrêt Dame Lamotte a été réaffirmé à maintes reprises, et consolide dans la jurisprudence française comme européenne.

Désormais, il apparaît difficilement imaginable que le législateur puisse priver les citoyens de ce recours, qui leur permet de contester en justice la légalité des décisions administratives les concernant. Consacré également par le Conseil constitutionnel comme une garantie à valeur constitutionnelle, le recours pour excès de pouvoir est devenu la pierre angulaire des droits des citoyens face à l’administration.

Témoignage : « En tant qu’avocat spécialisé en droit public, le recours pour excès de pouvoir est un outil indispensable dans ma pratique quotidienne. Il me permet régulièrement de défendre les intérêts de mes clients face à des décisions administratives qu’ils estiment illégales, et d’obtenir leur annulation devant le juge. C’est une garantie essentielle de l’État de droit. »

Ainsi, la portée de l’arrêt Dame Lamotte dépasse le simple litige initial : en 1950, le Conseil d’État a posé les bases d’un contrôle juridictionnel essentiel pour soumettre l’administration au principe de légalité. Le juge administratif s’affirmait comme garant des droits des citoyens, et acteur clé de l’équilibre des pouvoirs et de l’État de droit qui se construisait alors en France.